lundi 18 juin 2012

LE GENIE SPIRITUEL de SERAPHINE de Senlis







Yolande MOREAU dans le rôle de Séraphine-

Certains artistes ( et l'on pense immédiatement à Marc
Chagall )  sont habités par la spiritualité. Séraphine 
LOUIS, dit de Senlis, pour la situer dans la ville où
elle vivait, a été  parmi ceux-là. Habitée par une sorte
de folie mystique, simple femme de ménage et quasiment
analphabète, elle transposait en couleurs ses visions,
ce que son Ange gardien lui commandait. Ses thèmes ? 
des bouquets, des arbres remplis d'oiseaux, des feuillages,
des fruits, en particulier des pommes, et des fleurs
imaginaires.

Née en  1864, d'un père horloger et d'une mère fille de 
ferme, elle  partage son enfance entre l'école et  un travail
de bergère. A 13 ans, elle est placée comme bonne à Paris.
Un peu plus tard, elle travaille dans une institution de
jeunes filles et s'intéresse aux cours du professeur de
dessin. Une curiosité qui l'a sans doute marqué pour
toujours.  Dès l'âge de 18 ans, elle est engagée comme 
" bonne à tout faire " chez des Religieuses à Senlis, puis
à Compiègne et à nouveau,  Senlis. En 1905,  l'Ange
gardien de Séraphine lui demande de se mettre à la 
peinture. A partir de cette date, jusqu'en 1932, elle ne 
cessera de peindre.

Habitant dans un grenier insalubre ( là,  où  l'on plaçait
les domestiques), s'éclairant à la bougie, elle déchirait 
ses draps, et  interprétait ses visions avec les pinceaux
et  les peintures Ripolin achetés chez le droguiste de
Senlis. Des couleurs merveilleuses, un dessin très construit,
et une fraîcheur qui ne pouvait que sortir d'un esprit simple,
que l'on a tendance à désigner comme " naïf ".

En 1912, un collectionneur d'art Allemand, Wilhelm Uhde,
qui  louait un appartement chez des habitants de Senlis,
et chez lesquels Séraphine faisait quelques heures de
ménage quotidien, aperçut un petit tableau ( une nature
morte représentant des pommes !!)  posé à même le sol. 
Intrigué,  il fait la connaissance de Séraphine  pour l'
encourager à continuer. De 1912 à 1914, il  accumule quelques-
unes de ses oeuvres. La déclaration de guerre interrompt 
cette relation qui va reprendre seulement en 1927 .

Wilhelm Uhde , en retrouvant Séraphine et en devenant 
son mécène, n'a-t-il pas joué, sans le savoir,  le rôle du mauvais
 Ange ? Il  fait livrer des toiles, du matériel  et subvient
matériellement aux besoins de Séraphine. Il organise des
expositions et  n'hésite pas à la placer ,  aux côtés du
Douanier Rousseau. C'est la notoriété.

Un esprit simple,  tourné vers le mysticisme,  ne comprend pas
grand chose à  ce changement de vie. Séraphine dépense sans
compter et  ses extravagances  bouleversent le collectionneur
Allemand. Celui-ci n'est guère riche et  semble dépassé par
la nature fantasque,  de cette artiste hors du commun.

Elle s'adresse aux passants, les invective, divague et se croit
persécutée. Ses visions ne sont plus  celles de ses premières
peintures. Les gendarmes l'arrêtent et la conduisent à l'hôpital
où bientôt, elle sera internée à l'asile psychiatrique de Clermont-
de-l'Oise. Elle ne peint plus, et vit un véritable enfer comme la
plupart des malades délirantes. A cette époque, on ne les soignait
pas, mais on les laissait dans le dénuement et sans nourriture.
Elle est sans doute morte de faim ( comme Camille Claudel )
en 1942 .

Wilhelm Uhde l'apprend, Après avoir organisé  quelques
expositions de ses oeuvres. De 1937 à 38, il y eut " Les maîtres
populaires de la réalité" à Paris, puis à Zurich et au Moma à
New York. L'année de la mort de Séraphine ( enterrée dans une
fosse commune ),  certaines de ses toiles sont exposées à Paris
( Les primitifs du XXe siècle ). Une exposition totalement consacrée 
à son oeuvre , en 1945, enthousiasme les visiteurs de la GALERIE
de FRANCE , bien connue des Parisiens.

En 2008, un film magnifique et combien émouvant,  fut réalisé
par Martin Provost, avec Yolande Moreau dans le rôle de
Séraphine de Senlis ( et une musique de Sergei Rachmaninov ).
Les plans de la ville de Senlis , sont représentés comme des
tableaux impressionnistes. Un film inoubliable,  qui m'a fait
me précipiter au musée Maillol pour retrouver la peinture
de Séraphine ( exposée à cette époque). Et surtout pour
mieux comprendre qui était ce personnage habité par une
folie artistique et mystique. Un esprit pur, angélique,  qui n'a
pu résister à la pression d'une notoriété imposée.

11 commentaires:

  1. Je ne connaissais, ni cette artiste hors du commun, ni ce film.
    Merci, Elza, de nous faire découvrir les deux.
    Très bonne semaine, bises et caresses à Virgile.

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  2. Cette oeuvre interpelle, c'est sûr. J'avais lu la biographie de cette artiste et elle est assez bouleversante, malgré la platitude de l'écrivain. Le jeu merveilleux de Yolande Moreau a redonné la carrure et la folie de ce peintre. C'est déroutant et très beau.

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  3. Le parcours de Séraphine est troublant pour
    différentes raisons. Fallait-il la faire connaître
    de son vivant ? On a l'impression que le collectionneur
    Allemand ( grand ami d'artistes connus ) ne s'intéressait qu'à l'oeuvre et nullement à la
    personnalité fragile et instable de l'artiste. Comme
    si elle était uniquement un instrument. Je ressens de la souffrance en lisant ce qui a été écrit sur elle.
    Certes son oeuvre était magnifique, mais elle provenait d'une malade en demande de sympathie, d'amour. Elle n'en a pas eu... sauf, peut-être de
    cet Ange gardien invisible qui l'aidait à créer un
    univers de couleurs. Et la solitude comme le manque
    de compréhension l'ont rendus folle. Pauvre, ...
    pauvre Séraphine !! ELZA

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  4. très beau reportage sur Séraphine,le film m'a enthousiasmé,émut, il est toujours très difficile d'être une femme et artiste et fragile...la psychanalyse pointait son nez à cette époque, ce pourrait être un grand débat encore aujourd'hui!merci ELZA

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  5. j'ai beaucoup aimé le film aussi, très émouvant, et une actrice incroyable

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  6. Remarquable artiste! J'avais adorée le film...
    Merci de ce magnifique billet

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  7. J'ai beaucoup lu autour de Séraphine à la sortie du film et le parallèle avec Camille Claudel est troublant en effet.
    L'artiste est souvent un écorché vif... qu'il faudrait protéger avant de "l'exploiter"...

    Belle journée !

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  8. Ton allusion à Camille Claudel est certainement nécessaire même si les circonstances ne sont pas les mêmes..
    Camille Claudel a été spoliée par Rodin et internée avec l'assentiment de son frère.
    Séraphine n'était probablement pas consciente de son talent me semble-t-il, juste une folie créatrice dans une sorte d'inconscience, peut-être sans souffrance (je n'ai pas lu le livre..)
    Pour Camille Claudel j'en frémis encore et je n'arrive plus à aimer l'oeuvre de Rodin dont le talent est incontestable, car ce qu'il a fait subir à cette artiste incomparable est inconcevable et impardonnable.
    Le collectionneur allemand fut juste maladroit et inconscient probablement des conséquences de ses choix, sans mauvaises intentions.
    Bises Elza.. comme toi je souffre énormément de la chaleur

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  9. Merci Leeloo et Fanfan de revenir sur mes anciens
    articles. Moi non plus, je n'ai aucune sympathie
    pour Rodin et ça me gâche un peu mon admiration
    pour son oeuvre. A plusieurs reprises j'ai pu
    voir des expositions montrant le travail pictural
    de malades mentaux. J'ai le souvenir d'une toile,
    qui m'a tellement touchée ( hélas, pas à vendre)
    que je regrette encore de ne pas l'avoir sur mon
    mur. Bon week-end à toutes les deux. Bises.
    ELZA

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  10. Yolande Moreau est inoubliable dans ce rôle, c'est un de mes films préférés. Ton hommage me touche beaucoup car je suis trés sensible à sa vie. J'ai aussi adoré le film Frida, dont certains tableaux peuvent être rapprochés, étrangement de ceux de Séraphine.

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  11. Je connaissais cette admirable artiste, ainsi que son oeuvre. L'interprétation de sa vie par Yolande Moreau était bouleversante.

    Belles fêtes de fin d'année.

    Roger

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